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Par ici les sorties musique : Avril 2019

Seule la beauté est à l’abri des outrages du temps. Les philosophies s’effritent comme du sable, les croyances se succèdent les unes les autres, mais ce qui est beau est une joie en toutes saisons, une jouissance éternelle.

Oscar Wilde

Lee Fields & The Expressions – It Rains Love – 5 avril[Big Crown]

A 17 ans, Elmer « Lee » Fields décide de quitter sa Caroline du Nord natale pour New York afin de se consacrer à sa passion : le tricot. Sa mère a tenté de l’en dissuader, en vain. Elle s’est donc résigné à lui donner 20 dollars, le seul billet qu’elle avait en possession.

Depuis, Lee Fields peut se targuer d’une carrière (musicale hein!) longue de 50 ans qui force le respect. La vague disco (les eighties) ayant tout emporté sur son passage, il a été obligé de faire une coupure de 10 ans et de travailler dans le secteur de l’immobilier pour nourrir sa famille.

Après différents albums enregistrés sous différents labels, il collabore avec une certaine Sharon Jones (rest in Soul). Elle a d’abord fait parti de ses chœurs puis ils ont interprété un duo sur l’album Naturally de la disparue.

Son partenariat depuis 2009 avec Leon Michels, d’abord sur le label Truth & Soul puis chez Big Crown, signe le début de sa formation en cours avec The Expressions mais aussi d’un renouveau apporté par la machine Big Crown. Une machine qui distille des productions sophistiquées et taillées sur-mesure pour la voix de Lee Fields. Ils parviennent à conjuguer l’âpreté d’un son sixties à des touches « modernes » permettant ainsi de ravir aussi bien les fans de la première heure que des nouveaux venus.

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Weyes Blood – Titanic Rising – 5 avril [Sub Pop]

Nathalie Mering, leader du groupe Weyes Blood, est en totale immersion sur la pochette de son nouvel album Titanic Rising. Dans cette chambre qu’elle a elle-même reconstitué et décoré avant de la plonger dans une piscine de Long Beach. Dans cet état de fausse pesanteur, où selon ses dires, il est deux fois plus dure de se mouvoir et dans lequel on est deux fois plus vulnérable. La chanteuse évolue dans l’eau dans le très beau clip de Movies avant d’être rejoint par une horde de spectatrices/spectateurs attiré(e)s par les images projetées sur le grand écran.  La barrière entre le spectateur et l’artiste est brisée avec ses avantages (une proximité avec son public, une communication, des échanges simplifiés) et ses inconvénients (absence de vie privée).

Le parallèle entre évoluer dans l’eau et le cinéma est aisé à établir : dans les deux cas il s’agit d’une réalité filtrée. Il y a ce décalage entre réalité et la vie parfois fantasmée des films (The hopes and the dreams / Don’t give credit to the real things). Dans Movies Weyes Blood émet le désir d’être actrice de sa propre vie, de prendre en main sa destinée. Avec néanmoins une méfiance pour le star system mais qui fascine tout autant.

La voix de l’américaine est à la lisière (une pensée pour Clarika) entre Karen Carpenter sur Something To Believe et A Lot’s Gonna Change (accentué ici par l’accompagnement au piano) et d’Aimee Mann sur le morceau Everyday. Composition entrainante (pour faire plaisir à son père) avec le coup de caisse claire doublé ressemblant à des mains frappées et ces choeurs plein d’allégresse. L’artiste détient une prestance messianique (alors qu’elle exècre la religion : le nom du groupe est un dérivé du titre d’un roman blasphématoire de Flannery O’Connor) sans être pompeux qui confère à l’envoûtement. On s’abandonne pleinement et entièrement à cette voix d’un incommensurable pouvoir d’ensorcellement.

La signature sur Sub Pop apporte des moyens pour une production plus étoffée avec l’appui de Jonathan Rando du groupe Foxygen. Les synthés jouent un rôle décisif pour poser l’atmosphère particulier de l’album. Les sons spatiales ou marins sont à la fois mystérieux et captivants. Les parties de cordes sèches (Movies) ou aériennes (Picture Me Better, Wild Time) sont renversantes.

Avec une fragilité touchante Natalie Mering exprime dans Something To Believe la fatalité d’une propension à l’échec malgré une implication sincère mais maladroite (Didn’t always do it right (…), Gonna do all I can). A travers une sémantique précise (lost, forgotten, fault line, I seem to lose what I find) elle se lamente de ce destin qui s’échappe, de cette perte de contrôle. Malgré tout, elle cherche une branche à laquelle elle pourrait s’accrocher.

Wild Time est un concentré de tous les éléments élégiaques de Titanic Rising qui plus est il résume le message sous-jacent de l’album  : It’s a wild time to be alive. Le monde va à sa perte mais pour autant, nous sommes en vie et nous pouvons (peut-être…pas) remonter à la surface. Elle porte cet infime brin d’espoir alors que tout s’écroule.

Titanic Rising c’est des textes qui résonnent, des phrases qui restent ancrées : Lift the heart from the depths it’s fallen to – Andromeda;  The waters don’t really go by me – Something To Believe.

Weyes Blood nous offre deux instrumentaux qui donnent une grande partie de son identité à l’œuvre. Le titre éponyme nous berce tel des chants de baleine. Nearer To Thee clôt l’album de manière magistral par des cordes d’une intensité bouleversante.

Montez à bord de Titanic Rising, succombez au chant de la sirène. Parisiennes/parisiens, elle sera le 2 mai à la Maroquinerie. Orléanaises, orléanais prenez vos billets pour le lendemain à l’Astrolabe. Moi j’y serai, je ne raterai pas cette chance.

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Loyle Carner – Not Waving, But Drowning – 19 avril [AMF]

Il est aussi question d’immersion avec le nouvel album du rappeur anglais Loyle Carner, Not Waving, But Drowning mais cette fois elle est subie. L’image et le titre de la pochette démontre l’humour de l’artiste : non il ne fait pas coucou dans l’eau mais il est en train de se noyer.

Ottolenghi, You Don’t Know et Loose Ends les 3 premiers extraits sont 3 titres infaillibles, prémices d’un second opus encore plus percutant que le premier. Pourtant, avec Yesterday’s Gone le rappeur avait fait forte impression tout en étant avalisé par les connoisseurs.

Comme sur Geography de Tom Misch, le choix des chanteuses/chanteurs sur les refrains sont impeccables que ce soit Jordan Rakeï sur Ottolenghi ou Jorja Smith sur Loose Ends qui subliment ces titres, apportant une touche idéalement suave.

Celles et ceux qui sont adeptes, comme moi, de la mouvance nu-soul/hip hop made in UK et spécialement la sphère Jordan Rakei/Tom Misch, deux fidèles compagnons de route de Loyle Carner, vont se jeter sur cet LP.

Loyle Carner sait aussi bien hacher les mots que les herbes. Chilli Con Carner aurait été un très bon titre pour un album du rappeur mais c’est en réalité le nom d’une initiative de l’anglais consistant à aider des enfants atteints du trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH en anglais ADHD) à travers des cours de cuisine. Les parents ont prévenu que les enfants pourraient avoir tel ou tel comportement mais les cours avec chef Ben (pour Benjamin Gérard Coyle Larner de son vrai nom) se passent merveilleusement bien.

Le rappeur a donc embrassé deux carrières diamétralement opposées même si on peut aisément trouver des points communs entre la musique et la cuisine : ce sont des disciplines qui font la parte belle à la créativité, elles servent toutes deux à éveiller nos sens. Vous ne vous étonnerez donc pas des références (Ottolenghi est le nom d’un chef israélien dont Loyle Carner est un fervent admirateur. Il cite son recueil de recette intitulé Jerusalem) ou des thématiques culinaires (le clip de You Don’t Know se passe principalement dans un restaurant).

Du regard à la fois amusé et attendri sur son adolescence (Loose Ends), de ces questionnements sur son avenir (Ottolenghi) à l’évolution de son rapport à l’amour et au sexe (You Don’t Know), on est également impatient de découvrir les textes affûtés du britannique.

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Altin Gün – Gece – 26 avril [Glitterbeat/Differ-Ant]

La magie de la globalisation de la musique réside notamment dans le fait que de la Roumanie à l’Australie, de la Colombie à la Serbie, le monde vibre à l’unisson autour du rock turc psychédélique garni de funk/disco du groupe Altin Gün. Grâce à la vidéo enregistrée aux Transmusicales de Rennes pour KEXP qui les a propulsé sur le devant de la scène et qui comptabilise plus de 900000 vues.

L’intro de basse de Goca Dunya est l’intro la plus funky de 2018 et possède un groove irrésistible. Le premier extrait dévoilé (voire ci-dessous) s’oriente vers une disco tout aussi entraînante.

Rock, funk, disco, musique traditionnelle turque, le cocktail détonant d’Altin Gün est né de l’obsession du hollandais Jasper Verhulst, fondateur et bassiste du groupe, pour la musique turque notamment la période faste des années 60/70.  « Avec tous les instruments et effets qui sont arrivés à l’époque (…). Tout était nouveau et sent encore le frais aujourd’hui ». Son que le groupe réussi à reproduire grâce aux synthés et au saz électrique (luth à manche long muni de 3 cordes). De son voyage à Istanbul, il a ramené l’idée de créer Altin Gün et de réinventer des morceaux issus de la tradition turque.

On se laisse volontiers transporter sur les rives du Bosphore et écouter le groupe ressusciter brillamment l’esprit de Selda Bagcan, Erkin Koray, Baris Manço, Kamuran Akkor…

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Encore soif de nouveautés?

Voici d’autres sorties notables (cliquez sur l’image pour être diriger vers les plateformes d’écoute ou d’achat) :

J.Lamotta – Suzume (12 avril)

Anderson.paak  – Ventura (12 avril)

Aldous Harding – Designer (26 avril)

A propos de l'auteur

Dj Tofu

Bercé au Hip Hop, les samples et ma curiosité insatiable m'ont fait découvrir des multitudes de genres, pépites et univers. Véritable glouton, j'ingurgite tout ce que j'écoute pour partager mes coups de cœur et news.

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